On n’avait jamais rien vu de si solennellement niais que les distributions de ces prix de vertu, avec la ridicule proclamation d’une ou deux personnes vertueuses, comme il y en avait par milliers dans tous les hôpitaux, les sacristies, les congrégations et les communautés du Royaume. Mais il était convenu qu’il fallait se passer de religion ; la charité n’équivalait pas à la bienfaisance, et du reste la bienfaisance était pour beaucoup moins dans les calculs de M. de Monthion, que l’envie de se faire élire à l’Académie française où ses ennuyeuses brochures n’avaient jamais pu le faire parvenir. Il en avait rêvé toute sa vie et ne sachant plus de quel marteau frapper à cette porte, il imagina d’en pousser les battants avec des lingots philanthropiques. Quand il avisait et prévoyait que son nom, proféré solennellement à la distribution de chacun de ses prix, le rendrait immortel à l’égal du Cardinal de Richelieu et du Chancelier Séguier, autre bienfaiteur de l’Académie française, il en exultait sous sa grosse perruque, et si les suffrages académiques avaient pu se mettre à l’enchère, il aurait certainement donné pour se les acquérir la presque totalité de son bien, de son vivant ! ce n’est pas qu’il ne fût vilainement avare, mais c’est qu’il avait tendu toutes les fibres de son amour-propre et les muscles de son affection sur l’Académie française. — Mon Dieu ! Mon Dieu ! disait-il après le 10 août, avec l’accent d’un mortel effroi, — croyez-vous que l’Académie française aurait quelque chose à risquer ?… Il a toujours été dur et sordide : avec un revenu de trente mille écus de rente, il se refusait à payer la pension d’une de ses