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SOUVENIRS

reproduis point, c’est qu’elle est imprimée dans mille endroits, tandis que cette autre chanson régicide ne s’était débitée qu’avec une sorte de mystère.

L’extravagance des modes était devenue parfaitement d’accord avec celle des idées, et toutes les coutumes sociales participaient de la folie du temps. J’en avais vu d’outrageusement sottes et principalement sous la régence. J’avais vu porter sur les tempes, ainsi que je vous l’ai déjà dit, des emplâtres d’onguent anodin pour soulager, les vapeurs, et ces larges mouches étaient garnies de petits diamants, de pointes d’acier taillées à facettes, ou bien avec des grenats ; c’était comme on voulait, pourvu qu’elles eussent l’air de vous avoir été clouées dans la chair. J’avais vu porter de la poudre d’or sur les cheveux, ce qui n’allait qu’aux blondes et ce qui rendait les brunes abominables ! J’avais vu les talons des chaussures excéder les prescriptions de l’équilibre, au point que l’on ne pouvait marcher que sur le bout des orteils. Enfin j’avais vu les dessins des meubles se dégingander et se déjeter comme de chétives personnes à qui la taille se tord et dont les membres se tournent. Et puis toutes les formes d’ornements se torturer sur les boiseries, dans les reliefs d’encadrement, les bijoux, la vaisselle et tout ce qui s’en suit. C’était des contourneries et des tortillonages à bâtons rompus en dépit du bon sens et, du bon vieux goût, avec des rinceaux brisés, des rameaux avortés, des coquilles estropiées, des Cupidons cachés dans une rose et mille autres figures impertinentes. Nous avions vu sur nos habits et nos lam-