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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

lons ; meubles sans dignité, sans grâce et sans commodité surtout. Plusieurs maîtresses de maison se mirent à faire couvrir leurs meubles avec des housses, ce qu’on n’avait jamais vu jusque-là et ce qui nous parut misérablement prévoyant ; les autres se contentèrent de faire ajuster en haut de leurs dossiers une bande de taffetas qui reçut l’élégante et délicate appellation de par-à-graisse, et qu’on était obligé de renouveler plusieurs fois par mois, sous peine de saloperie. La Mme de Laigle en avait pris le parti de ne plus s’asseoir que sur des tabourets, et la Duchesse de Fleury, pour plus de sûreté, faisait toujours apporter le sien[1]. La coiffure des jeunes femmes était devenue si démesurément élevée, qu’on avait retiré les banquettes de leurs voitures, et qu’elles ne s’y asseyaient que sur des coussins piqués, qui n’avaient pas plus d’épaisseur qu’un sachet de Montpellier. Vous dire à présent ce que ces pauvres femmes se laissaient mettre sur la tête, au-dessus de leurs boucles poudrées, ce serait impossible à cause du désordonné, de l’informe et de l’inexplicable configuration de tous ces gazillons chiffonnés qu’on appelait des Poufs et des Valgalas. On ne pouvait s’y reconnaître et je ne saurais m’y retrouver.

M. Léonard, coiffeur de la Reine, celui que Monsieur, Comte de Provence, appelait le Marquis

  1. Anne-Madeleine-Françoise-Émilie de Monceaux d’Auxy, veuve d’André-Hercule de Rosset de Rocosel, Duc de Fleury, Marquis de Pérignan, Comte de Versanobre, etc., morte à Paris en 1799.