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Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/220

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SOUVENIRS

badine, c’est-à-dire une petite gaule en bois souple, comme celles des valets de garde-robe pour épousseter les meubles. Le petit de Vérac était persuadé qu’on avait toujours porté des badines, et quand nous t’interrogions sur l’usage qu’on pouvait en faire, il nous disait que c’était excellent pour battre les chats.

Les jeunes femmes étaient misérablement habillées en fourreau de linon, de toile de Perse ou de petites soieries mesquines ; fichu de mousseline empesée, qui grimpait raidement jusqu’au milieu des joues et qui leur simulait, par de gros plis sur la poitrine, une sorte de protubérance exorbitante. Chevelure à grosses boucles poudrées chignon flottant, souvent déployé dans toute la longueur des cheveux, et descendant, si faire se pouvait, jusqu’au bas de la taille. On les captivait alors dans un coulant d’écaille ou d’acier, de la longueur de cinq à six pouces ; et ceci, du reste, était une mode adoptée par les jeunes conseillers du parlement et autres magistrats qui se trouvaient dans la nécessité de porter leurs cheveux longs et dénoués, en commémoration de la grande perruque à trois échevaux. C’était malheureusement la seule obligation qu’ils eussent conservée du temps de Louis XIV. Cette folle invention des cheveux flottans et poudrés (sans oublier l’emploi de la pommade indispensable pour y faire tenir la poudre), avait obligé de raccourcir le dossier des fauteuils, et ce fut l’occasion d’imaginer ces petits vilains sièges exigus à dos circulaire ou chantourné, que vous verrez aujourd’hui dans presque tous les sa-