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Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/244

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SOUVENIRS

Mme de Mauconseil, afin d’y veiller à tour de rôle à côté de son lit. Mme de Brancas nourrissait alors sa fille aînée, qui ne s’en trouvait pas trop bien ; et ceci, du reste, était sûrement plus fatigant et plus ennuyeux pour Mme de Brancas, que de passer les nuits à veiller et à causer avec la Princesse d’Hénin, que tout le monde aimait véritablement, et que personne ne voyait suffisamment à cause de son service à Versailles. Elle n’hésita pas (c’est Mme de Brancas dont il s’agit) à sacrifier les obligations de la nature aux devoirs de l’amitié, ce qui fut trouvé sublime ; et les maris, les enfans et les domestiques de ces dames en sont restés pendant plus de six semaines avec la bride sur le cou. Je n’ai pas parlé des amans, parce que les Dames et les maris dont il est question, n’avaient et ne devaient avoir aucune inquiétude semblable. Toutes ces belles Dames étaient campées dans les deux salons qui précédaient la chambre à coucher de Mme de Mauconseil. On avait dressé trois lits à sangles dans chacune de ces pièces ; elles avaient amené de chez elles une demi-douzaine de femmes, qui couchaient dans la seconde antichambre sur des canapés. La première antichambre était occupée par les valets de la maison, qui dormaient sur les banquettes, et la salle d’audience de ces Dames était devenue la salle à manger, où la table restait couverte en permanence. Chacun s’ingéniait pour inventer et leur envoyer des choses exquises : c’était à qui contribuerait à garnir le buffet, et c’était une odeur de comestibles à ne pas tenir dans la maison. On voyait sur tous ces beaux vieux meubles et dans tous les coins