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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY

de ces grands salons surdorés, des bonnets, des corsets, des paquets, des coffrets, des sachets, des sultans, des flacons, des mantilles, avec des pots de rouge et des pantoufles, et cet encombrement dépenaillé donnait parfaitement l’avant-goût de ces maisons de ci-devants, dont on a fait des maisons d’arrêt pendant la révolution ; mais c’était à l’exception de l’abondance des vivres, pourtant.

Jusqu’ici tout s’arrangeait pour le mieux. On commençait par faire sa toilette, on entrait et l’on sortait de la chambre de la malade pour y rentrer et pour en ressortir la minute d’après, on allait se promener dans l’appartement, on s’asséyait pour manger ou pour copier les bulletins du docteur, on donnait des audiences à ses parens et ses intimes ; on écrivait force billets surtout, et l’on recevait des réponses toutes remplies d’admiration pour un dévouement si tendre et si généreux qu’il allait devenir un sujet d’orgueil national, aussi bien que l’exemple et l’envie des générations futures ! On était persuadé que les Aristogiton, les Harmodius et les Pylade étaient des Atrides et des cannibales en comparaison des amies de Mme d’Hénin !

Cependant les amies des amies s’ennuyèrent et s’enflammèrent. On avait appris que la Princesse de Turenne se trouvait un peu souffrante, ce qui n’était pas surprenant à cause du défaut d’air et d’exercice. Elle avait des amies intimes à n’en pas finir ; on avait entrepris de l’arracher à ses fonctions d’hospitalière et quand on vit qu’elle y mettait une résistance invincible, on résolut de venir s’adjoindre aux autres récluses, afin de pouvoir