Page:Créquy - Souvenirs, tome 6.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
77
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

d’usage et de costume pénitenciel, à ce qu’il paraît, on le reconduisit au palais du Saint-Office, où les docteurs de l’Inquisition reçurent son abjuration solennelle, avec sa profession doctrinale et catholique, en 28 articles, sur lesquels avaient porté son interrogatoire et sa condamnation.

En conséquence de cet acte de soumission religieuse, il fut absous de l’excommunication qu’il aurait encourue s’il avait persisté dans ses erreurs dogmatiques, et sa réconciliation fut opérée suivant toutes les formalités suivies dans la primitive Église, ainsi qu’elles sont ordonnées dans les saints canons. On a soutenu philosophiquement qu’il avait été battu de verges, mais ceci consista seulement dans la l’application de la vindicta, baguette blanche, dont quatre assistans lui donnèrent cérémonialement et légèrement de petits coups sur les épaules pendant qu’on psalmodiait le Misere meî, Domine !

En entendant prononcer cette partie de l’arrêt qui le dépouillait de son titre de Castille, il eut une syncope et tomba de dessus la sellette ; on le releva baigné de larmes, on lui fit boire du vin d’Alicante mêlé de jaunes d’œufs et de poussière de sucre candi (cordial de tradition pour le Saint-Office), et d’après l’amertume de ses gémissemens, on dut augurer favorablement de son repentir. Ses erreurs étaient nombreuses et des plus extravagantes ; il ne voulait pas croire à la nécessité de pratiquer le vie précepte du Décalogue, non plus qu’à l’existence d’un mauvais principe et d’une éternité malheureuse. On avait saisis le Dictionnaire philosophique de Voltaire, adressé par la poste, sous son couvert,