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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

que trop vite, et tout ce que je vais lui faire dire là-dessus, c’est que son mari était encore vivant à deux heures après minuit. Le journal du soir annonça qu’il avait été supplicié dans la journée.

On a sur, de manière à n’en pouvoir douter, que la Duchesse d’Anville avait reçu quelques jours après un paquet de cheveux que lui adressait un jeune prisonnier de la Force appelé M. de Segrais, lequel avait été le camarade de chambre de M. de Beauharnois, et lequel avait trouvé ce même paquet dans une de ses poches, avec un billet à l’adresse de Mme  d’Anville. D’un autre côté, Mme  de Beauharnois fit voir à tous les prisonniers des Carmes une lettre que son mari avait écrite la veille de sa mort, et dans laquelle il disait, assez ridiculement du reste, que les auteurs de son supplice étaient des aristocrates déguisés en patriotes ; et puis c’était des protestations d’un amour ardent pour la république française avec des vœux pour le maintien de la liberté, des imprécations contre les tyrans, et des recommandations pour élever ses deux enfans dans le civisme. Je pense qu’il avait perdu la tête, ou peut-être espérait-il empêcher la confiscation du peu de biens qu’il avait, au moyen de cette belle déclaration ? Toujours est-il que ce fut un acte d’opiniâtreté scandaleuse, et que si Mme  sa femme avait eu plus d’esprit de conduite avec des principes un peu mieux arrêtés, elle en aurait gardé le lacet[1]

  1. Cette lettre du général Alexandre Beauharnois se trouve