Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/176

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Environ quarante réclusions ou emprisonnemens ont partagé et presque rempli l’espace et les époques de ma vie ; la dernière est une captivité de neuf ans, dans une terre étrangère, au fort de Prusse, près de la ville de Stettin, tombeau ou je fus descendu tout vivant, chargé de fers du poids de plus de soixante livres, au pain et à l’eau, privé de la lumière, sur la dure, destiné à y périr, le tout afin de me soustraire à la réclamation de mes droits et biens usurpés par le nommé Blanchefort, se disant Crequy ; et ses participans. C’est de cet horrible tombeau que l’Assemblée Nationate de France, par sa justice et son humanité, vient de m’arracher et me rendre à la lumière, à ma patrie et à mes droits.

Dignes législateurs de la plus grande Nation du monde, j’invoque votre sagesse et vos lois ! Vous êtes exclusivement compétens ; mon intérêt est le national même, et celui de tous citoyens, il est de plus lié au gouvernement despotique, qui m’a victimé, sans égard à la justice ni des hommes ni de Dieu. Mes droits sont sacrés, ils ont été violés par des hommes en place, contempteurs de l’humanité et de la divinité. Votre tribunal seul demeure compétent.

Mais encore, quels furent et purent être les premiers motif, qui me vouèrent à la haine et à l’oppression ?

Cette question remonte aux auteurs de mes jours et m’oblige d’indiquer ceux mêmes qui m’appelèrent à naître. Souffrez donc, auguste Assemblée, le récit et le précis nécessaire de ma naissance et de mes évenemens, vous jugerez ensuite des causes secrètes et clandestines qui me victimèrent sans nul respect pour mon innocence ni mes droits.

Élisabeth de Montmorency, dite princesse de Freyberg et de Schitzemberg, me donna le jour et m’apprit que je suis le fruit de son mariage secret avec Louis XV, antérieurement à celui qu’il fit en public avec la princesse de Lezinski. Ma mère retourna dans ses états de Freyberg en Empire. Là, elle fut recherchée en mariage par Jacques-Charles-Alphonse de Crequy, envoyé extraordinaire de France à Vienne, et qui ignorait le susdit mariage secret. Le roi Louis XV s’y opposa et ne permit cette alliance qu’en 1776, mais sous des réserves insolites et politiques à expliquer en temps et lieux. Ceci se passoit à Paris.

La princesse de Montmorency de Freyberg et de Schitzem-