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PIÈCES JUSTIFICATIVES.

la liberté et une couronne civique sur la tête. Au reste, j’ai deux fils qui, depuis l’époque du 10 août 1792 et les jours suivans où ils se signalèrent glorieusement avec moi-même, servent en tout honneur et gloire dans les armées de la république, pendant que moi même, malgré mon âge et mes infirmités, j’ai toujours rempli ce glorieux devoir dans ma section et dans le bataillon des vétérans ; mes fils sont jeunes et nourris dans le respect, l’obéissance et la tendresse filiale qu’ils doivent et qu’ils ont toujours scrupuleusement rendus à un père qui les aime et les aimera d’une tendresse parfaite jusqu’au tombeau ; j’appréhendois qu’en apprenant mon injuste détention, soit par la voie de mes ennemis ou par celle des papiers publics, ils n’eussent, dans l’excès de leur juste fureur, cherché à me venger d’une manière indigne d’eux et de moi, en entrainant avec eux un grand nombre de leurs camarades d’arme, en leur disant peut-être : « Chers amis et camarades, toutes les loi divines et humaines sont violées dans la capitale envers nos pères et mères, nos frères et sœurs, nos parens et nos amis car on les a trainés dans les prisons pour les faire périr innocemment, tandis que nous versons ici notre sang pour le service de la république ; vengeons-nous d’une manière éclatante, en les livrant à toute la férocité des Prussiens, des Autrichiens et des Anglois, comme étant les seuls moyens à notre pouvoir pour délivrer nos pères et mères, nos parens, nos amis, et leur sauver la vie, qui est en si grand danger, etc., etc. » Voilà ce que pouvoient faire mes fils, et ce que j’appréhendois qu’ils ne fissent dans les premiers transports de leur juste indignation et de leur désespoir contre mes ennemis, et voici ci-après la lettre que je leur ai envoyée en toute diligence par l’envoi du citoyen Boutibonne, chef du bureau de la cinquième division de la garde nationale, au bureau de la guerre afin de les contenir dans les justes bornes de leurs devoirs et fidélité, sous les drapeaux de la république.


Première lettre au citoyen Boutibonne, au bureau de la guerre, à Paris

« Très digne et vertueux citoyen Boutibonne,

« Je vous prie de faire parvenir promptement l’incluse à sa destination, en l’insérant dans l’un de vos paquets pour les ar-