Page:Créquy - Souvenirs, tome 9.djvu/74

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et de Paris, braquer sur moi des lorgnettes et des binocles (afin de se moquer de moi), sans m’en embarrasser non plus que de la comédie des Femmes Savantes, ou de la satire de Boileau contre les femmes galantes.

Je pense bien que les Incroyables étaient conduits à s’habiller ainsi par un sentiment d’animadversion politique, en exécration de l’antique et pour faire contraste avec les républicains ; mais c’est le bon goût qui doit faire justice du ridicule. La carmagnole était une infamie, l’ajustement adopté par ces peintres et ces histrions grecs et romains était une folie ; mais le costume inventé par les Muscadins était d’une extravagance incroyable, et je ne pense pas que la bonne manière de lutter contre les fous soit de les surpasser en déraison.

Le directeur Barras avait organisé pour les exécutions de sa police une escouade de familiers parmi lesquels ils se trouvait une vingtaine de maîtres d’armes et plusieurs gâleriens, il arriva qu’un mauvais chanoine défroqué, nommé Poucellin, avait écrit et signé dans un journal obscur un article injurieux où se trouvaient rapportés plusieurs faits notoires, et diffamatoires en vérité, car c’était la frénésie dans la dépravation ! Barras le fit enlever à son domicile et transporter dans un grenier du Luxembourg, où les prévôts de salle et les forçats du directoire le battirent si bel et si bien qu’il en mourut trois jours après. Le citoyen Fiévée[1], col-

  1. Auteur de la Dot de Suzette, de l’opéra des Rigueurs du Cloître et de la Correspondance administratrice.