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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/125

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petite fille demeurée dans sa grise Europe, regardait couler le temps. Le Temps, drôle de fleuve. Les jours, les années, affluents esclaves se perdent dans la masse informe d’on ne sait où venue. Naufrage indifférent. L’eau monotone monte. Une enfant ne peut même en saisir quelques gouttes pour sa soif, après une chanson essayée. Au plus haut point du cruel azur brille un astre de métal et cuiseur de terre. Acier dont la lumière coupe, crève, poignarde. Comme du temps des ballons rouges, une baudruche, pour avoir fait la fière au-dessus des arbres, soudain retombait fripée, moribonde, sur les pelouses, ainsi les nuages égorgés ne peuvent rappeler aux yeux chercheurs, le troupeau entre ciel et terre, que menait, berger invisible, le vent. Lambeaux de misère, pauvres choses fanées, loques pendues aux clous des étoiles, leurs ombres des premières années, golfes fabuleux, ouverts à même l’ennui horizontal des jours, ne s’épanouiront plus. À des lumières trop blanches, trop crues, se dessèche, s’effrite l’espoir. Des pieds, de leur empreinte, comment marqueraient-ils ce désert ? Jambes trop dédaigneuses pour tituber par le marais des petites haines, mains qui ne sauriez consentir à tripoter à même les débris sordides des heures, poitrine qui sent croître son cœur et qui voudrait