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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/126

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se tendre haletante et désarmée vers ces pierres dont l’angle fait jaillir toute source, esprit trop orgueilleux pour accepter jamais d’être flacon à recueillir des gouttes de mémoire, ô toi enfant qui deviens femme, et ne daignes t’incliner, pour cueillir les fleurs faciles et la verdure de ruse que l’habituelle lâcheté des hommes essaie d’arranger en bouquet, plus rien de ton passé ne saurait te retenir. Mais où sont les grands fauves, fétides et magnifiques, dont les cris semblent eux-mêmes du soleil ? Et comment, pour eux, bâtir des forêts de marbre, sur cette poussière. La nuit, de gigantesques serpents de jade, haut dressés, et qui mourraient s’ils redevenaient rampants, soutiennent de leur minuscule tête de rubis, un dôme aux couleurs de Cynthia : roux, blanc, vert. À l’aube, ils se cristallisent, deviennent arbres de sel, fondent, ne se rappellent aux hommes que par des petites plaques noirâtres. Mémoire, encre qui corrompt toute chair, tout éclat. Dans la bibliothèque du grand-père, il y a un livre bien curieux sur les tatouages. L’enfant qui devient femme sait de quels dessins, pour tromper le temps et l’oubli, les marins aux jolies lèvres tachent l’innocence de leurs pectoraux, bafouent la poussée vigoureuse des sexes. Et pas un acide qui puisse redonner sa candeur à l’épi-