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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/127

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derme ainsi pollué. Souvenir, tatouage, dont croient se faire des cuirasses, les faibles, les trahis, les exilés. Or à peine achève de se nouer autour d’un bras la guirlande sentimentale, et déjà un cœur a changé d’amour. Le père et Cynthia n’ont jamais éprouvé le besoin de rien écrire sur leur peau. De même, ils ont méprisé tout ce dont les créatures entourent, croyant les protéger, leurs destins. Il n’y a pas un coin du globe où leur soient des habitudes, une maison, des meubles communs. Nul témoignage de leur passion qui puisse demeurer pour des remords ou des regrets. Et pourtant, vagabonds parallèles, qui ne se sont jamais rien demandé, rien promis, voilà des mois, des années qu’ils s’aiment, chaque jour un peu davantage.

Au contraire, la jeune femme qui avait pris mille précautions, se croyait protégée par les garde-fous légaux, deux fois de suite a été abandonnée. Et la voilà réduite à suivre un missionnaire nain au pays des bêtes fauves. Elle, qui avait peur des simples guêpes d’île-de-France, elle dort dans une cahute de jonc à toit de feuille où, la nuit, s’entend toute chaude et menaçante la danse des panthères, qui n’ont jamais sommeil. Alors pour l’effroi de ses rêves s’allument des chapelets d’yeux félins. Cauchemar couleur de soufre, songes déchirés à