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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/129

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soir, de la rivière où l’on n’ose se baigner par peur des crocodiles, hippopotames et autres doux animaux, peut-être apporteront-ils une cruche supplémentaire. La toilette achevée, on replie le paravent. Mac-Louf apparaît cravaté de noir impeccable dans sa redingote d’alpaga. Il boit son thé, puis, une bible à la main, quitte sa case. Dehors il ouvre une ombrelle doublée de vert. Il marche entre les cabanes bizarres de ce village primitif et il est ému, car de chaque porte à son passage sortent ses ouailles qui le suivent semblables aux poulets qu’assemble derrière les servantes un espoir de nourriture. Nourriture spirituelle s’attendrit-il. Mais déjà nous voilà sur la grand’place, où se donne la becquée de l’âme. Des géants insolemment nus s’assoient autour du petit homme habillé. Les uns mangent des bananes, les autres montrent des bonnes dents de cannibale. « Poussière, tu n’es que poussière », avertit Mac-Louf, et les catéchumènes, pour le contredire, se donnent de grandes claques. « Poussière, tu n’es que poussière ». Le bruit des paumes nues, le tamtam nerveux des ventres couvre le préchi-précha. Mais, sur les corps, sonore, le jeu risque de se faire un peu moins innocent. Mac-Louf que la chaleur dessèche de tout désir, abandonne à ses tentations un peuple qui