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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/131

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déplore votre précocité sensuelle. Une enfant qui devient femme apprend à détester les villes à rues droites, maisons bien construites, où la vie se passe à ne faire qu’attendre. Cette poitrine où sont deux petits seins, des seins, très petits, mais deux vrais petits seins, personne encore n’a voulu la caresser. Si nous étions en Nègrerie, nul n’ignorerait ces fruits tendres. Des jeunes garçons aux fines jambes se détourneraient pour sourire. L’un d’eux, par hasard rencontré, saurait si bien insister des dents, du regard, qu’un jeune corps tout neuf s’abandonnerait aux exigences des longs doigts noirs. Mains de nègres, vos paumes plus fraîches que grenades ouvertes, quelle tentation pour une jeunesse qui rêve d’amour comme le printemps des fruits. Soient mélangées la saison des lilas et celle des pêches, soient mélangés aussi les continents, l’Europe trop habillée, l’Afrique sans même un pagne. L’enfant qui devient femme tombe amoureuse. D’abord elle ne sait pas de qui, mais bientôt elle n’ignore plus que c’est un garçon de couleur. Elle l’aime. Elle a vu son portrait. Il s’appelle le Nègre. Le XVIIIe siècle déjà l’avait prévu. La Tour a peint son visage, son buste. Il l’a vêtu. Mais sous la mousseline de la chemise, le velours rose de l’habit, facilement on devine par quelles épaules