Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/132

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s’achève le cou. La tête est tournée de trois-quarts. Une topaze prolonge la seule oreille qu’on voit. Les yeux sont tristes de cet exil dans un cadre, au beau milieu d’une ville grise. Tous les jours de la quinzaine qu’elle a dû rester à Genève, avec son grand-père, venu suivre les travaux d’une Commission pour la défense internationale contre les stupéfiants (attention, Cynthia. Mais à quand la défense internationale contre les actes-champignons ?), la petite vierge est allée voir le Nègre. Sa visite achevée, sur l’eau du lac elle se penchait pour ne point perdre le souvenir mauve et marron de son visage. Du pont du Rhône, bien sûr que le Nègre, s’il avait pu quitter la toile, cette prison plate, n’aurait pas hésité à disperser aux quatre vents l’hypocrisie de la veste et du linge. Et quel bain dans ce torrent d’émeraude et de froid, dont ses muscles auraient déjoué les perfidies. René de l’écume avec l’enfant qui devient femme, il eût été dans un parc où sont de vrais arbres, de jolies biches. Hélas, on sort du temps puéril comme d’une maladie, avec une courbature de rêves et de croissance. À Genève, triste dans son velours rose sur fond bleu pastel, demeure le Nègre. Dès onze ans, selon Mac-Louf, sa sœur la Négresse est mère. Donc elle a connu l’amour.