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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/147

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ont l’odeur du pain chaud. Les matafs qui demain vogueront, aujourd’hui, narines frémissantes, accordent tout ce qu’ils veulent aux beaux Anglais, aux couples coloniaux et aux petites filles sans âge. Que de fois deux jambes ont senti vibrer un mystère vigoureux, bien réglé, à répétitions. Mais, pour remercier du billet ou de la chanson zézayante qui paient leurs rudes caresses, à tous ceux, à toutes celles que rencontre leur désir, ces gosses impudiques et généreux qui gagnent cinq sous par jour, chaque fois ont donné quelqu’un des livres du révérend. Palestine, rose bleue, sable d’une couverture. La nuit, une négrillonne glisse la brochure-souvenir sous le traversin à côté d’un cher grigri gardé en cachette. Au matin Mac-Louf lui demande si elle ne se sent pas plus heureuse depuis qu’elle vit en chrétienne. Elle fait oui des yeux, mais ne peut s’empêcher de sourire à la douce candeur des missions évangéliques, allègres sous le plomb fondu des plus inexorables Afrique ou ballottées insouciantes sur les flots les moins fiables. Leur cargaison de cache-sexe, caleçons de madapolam, jupons de calicot et scapulaires, n’empêcheront de s’épanouir nul désir. Aux heures lourdes, il n’est pas de regard qui ne s’allume d’une nouvelle convoitise et du flot foncé des uniformes, s’échappent, pour la plus