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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/148

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rose, la plus nue des Résurrections, les marins du monde entier.

Chaussures à tiges claires, chemises de la même couleur que les glaces à dix sous dont se parfume l’innocence des bouches, Amie n’a eu qu’à poser son pied sur le quai pour sentir, illico, croître sa fringale. Il y a de trop beaux, de trop comestibles gigolos par toute la ville. Son voyage de volupté l’a encore affamée. Comme Petitdemange, pour elle, résume toute cette chair fraîche, le joli sabbat que leur première nuit à l’hôtel Beauvau. Le lendemain, parce que voilà des mois et des mois qu’elle vit privée de confidente, à sa petite-fille venue lui faire visite, la blonde amoureuse va décrire tous ses bonheurs. Elle jette des noms de fleuves, de montagnes, de déserts. Elle n’a pas oublié comment s’appelait un seul des hôtels, où, par de profonds baisers, achevaient de se creuser les mystères du jour. La buveuse de pétrole (qui, soit dit en passant, vient d’être condamnée à la réclusion à perpétuité) cueillait des roses fortes en couleur au méchant papier des garnis. Amie, elle, a su arranger les plus subtils bouquets, à l’ombre des murs qui protégeaient la floraison de ses joies. Fille d’Ève, après la longue patience de sa vie, quelle revanche. D’abord la liberté, en elle,