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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/150

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traversée à prix réduits, sut persuader quelques Africains (qui donc apprendrait la crainte de la chaleur aux fils du soleil ?) de se laisser rôtir près d’une chaudière. Or, quand il s’est agi de déboulonner les plaques de tôle qui tenaient prisonniers ces passagers spéciaux, au lieu d’hommes bruns on trouva des hommes bleus, mauves, beiges. Narines frémissantes, Amie, qui, des grands fauves, n’a point seulement les couleurs, mais aussi l’impitoyable désinvolture, au simple souvenir se saoule encore, d’un relent de sidis crevés, dont l’abominable surprise éclata, dernier bouquet, lorsque déjà, la terre banale de France n’était plus qu’à vingt ou trente mètres.

Amie désigne une eau qui clapote, fardée au cambouis, parfumée à la pelure d’orange. Quelle magnifique tombe, si les matelots avaient eu le bon esprit d’attendre avant de libérer leurs Berbères étouffés. Des pierres dans les poches pour remplacer l’arc-en-ciel pauvre des portefeuilles marocains, et, avec du poids, les corps prennent une discrétion suffisante. Donc, rien de plus facile que de les laisser doucement, doucement glisser, au plus secret d’une liquide obscurité, qui, plus tard, dans quelques heures à l’aube redeviendra la mer, la vie.