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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/157

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Mais, Cynthia, aurais-tu jamais connu d’autre amour, si Amie, porte-voix du destin, ne t’avait appelée à Paris ? Dès l’instant que tu partis, déjà tu avais prévu ton sort merveilleux.

Tu te rappelles à Londres, où tu passas quelques jours avant de t’embarquer pour la France, un petit bar exotique à force de se vouloir parisien, avec une végétation en boule et sans racine, des sièges noirs, une verrerie compliquée, sur des murs lavables. Là, un soir, d’un coup s’abolit toute mémoire des minutes antérieures. Parce que tu étais rousse, on t’a prise pour une Française. Ton voisin de chambre te reconnaît chez le parfumeur où tu viens de découvrir la « Rose-Géranium ». Il te parle de l’étrange maison où vous habitiez toi et lui, te vante cet endroit où l’on peut dormir et faire l’amour au sommet, prendre des bains et des douches au milieu et au rez-de-chaussée parmi les araucarias, les cactus, les palmiers nains, passer des nuits entières à se saouler en compagnie de Berlinois obstinément noctambules et d’esthètes judaïco-saxons. À cet homme que plus tard ton souvenir devait appeler l’homme sans visage, tu n’osas confier que le hasard seul t’avait conduite dans ce lieu. Silencieuse et supérieure tu acceptais le parallèle qu’il entreprenait pour te