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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/180

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plaisir. Alors, tant pis si vient la vieillesse. Amie ne s’effraie plus des rides qui la creusent, oublie d’aller chez le coiffeur pour son henné hebdomadaire. Qu’importe, l’univers a retrouvé son rythme, le désir. À quoi bon la coquetterie, ce métronome. Jetez vos fards à la mer, femmes, le soleil a mis ses flèches dans les veines des mâles. Jaillissent les fleurs de chair. De cœur on peut ne point cesser d’être fidèle à Petitdemange, et ne s’en promener pas moins par le jardin de sensualité. Quelles rencontres. Les heures sont pavées de telles concupiscences que la minute ne sait qui choisir pour son caprice. Les voyous de la ville de chair ne font point de l’œil, mais de la bouche. En trois lippes ils résument toutes les possibilités labiales, et autres, puis sifflotent. Amie se retourne. Trop tard. La marionnette de peau fraîche a déjà trouvé preneur. Un de perdu, dix de retrouvés, il n’y a qu’à choisir parmi ces marins qui vous sortent des pantalons à pont de splendides mouchoirs, frais tachés d’amour et parfumés au tabac et au cognac. Chacun des flâneurs du vieux port, de son regard oblique, pour cinquante francs, promet une virilité savante et robuste, une poitrine fraîche, du ventre dur, des cuisses qui, d’ignorer l’hypocrisie des caleçons, sentent bon le drap un peu rêche. Et,