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Page:Crevel - Babylone, 1927.djvu/198

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l’angoisse amoureuse du monde, comment n’aurait-elle pas deviné qui vous étiez, petite sœur noire de Cynthia, de la Buveuse de pétrole, d’Amie, de la Reine, des juives-errantes de l’amour, d’elle-même…

Alors elle a fui, plus légère que l’ombre.

Elle n’a pas eu la chance de rencontrer comme vous jadis, Cynthia, l’homme sans visage. Un gars qui ressemblait à la fois à celui de la rue Agrippa-d’Aubigné et au père, avec une peau couleur de cheveux et les yeux ciel de Havane, seul, doucement, l’a regardée.

Il avait la fierté de ceux qui travaillent et déchargent les bateaux, des muscles précis sous le maillot brun que le soleil tisse à même la peau.

Habillé d’azur, hormis la toile des vêtements, il était nu. Nu comme la joie, les fleuves, les pierres. Nu comme l’herbe, les gencives, les dents. Il souriait. Mais la femme n’a pas répondu à son sourire. Passe ton chemin, joli voyou. Tu es au bord des vagues. Tu commences à danser sur leurs crêtes. Quelqu’un là-bas, très loin, a cousu le ciel à la mer. Baladin des flots, oublie une rue qui sentait la cave et la poudre de riz à la violette.

Garçon, tu aimais trop les guirlandes de ta marche. Une femme était là et tu n’as fait