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Page:Crevel - L’esprit contre la raison, 1927.djvu/31

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sûr comme de la faim, de la soif, de la fièvre. Tout au long de sa moelle court le frisson des certitudes négatives et le comte Hermann Keyserling, aussi simplement qu’un livre d’histoire naturelle apprit à notre enfance que l’homme a deux pieds, deux mains, deux bras, deux jambes, un tronc, une tête, un cou, écrit : « Jamais durant toute ma vie je ne me suis senti identique à ma personne. Jamais je n’ai éprouvé que l’individu eût une valeur essentielle, que mon moi subît les contrecoups de mes apparences, de mes états, de mes actes successifs, de ce que j’éprouvais et de ce qui m’arrivait. »

Après une telle constatation, quelle raison déciderait l’homme à se confiner au sein d’une petite réalité exploitable ? Cette mésentente même pourrait devenir un idéal, car dans le divorce de l’être et de son esprit se trouve la garantie contre la corruption du plus sérieux. Au contraire, nous savons à quelle pourriture se condamnait l’individu qui, non satisfait de sa créature terrestre,