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Page:Crevel - L’esprit contre la raison, 1927.djvu/65

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eux et leurs vieux troupeaux. Et jusqu’à ce qu’ils meurent écrasés sous les plâtras de leur fausse culture, ils nieront les évidences qui les dépassent et tâcheront de faire prendre leurs excentricités extérieures pour la liberté elle-même. Effrayés par tout ce qui les dépasse comme le cheval Bucéphale par son ombre, après avoir henni de suffisance, ils croiront avoir vaincu l’ombre et la peur. De leurs poissons rouges ils feront des baleines mais, juste revanche, ils se noieront dans le ruisseau. Accrochés au souvenir, aux faits, jamais ils ne connaîtront cette exaltation de qui a renoncé à la joie du ventre, à cet espoir dont Paul Valéry nous disait qu’il n’est que la méfiance de l’être à l’égard des prévisions de son esprit…

Le poète, lui, au contraire, ne flatte ni ne ruse. Il n’endort pas ses fauves pour jouer au dompteur mais, toutes cages ouvertes, clés jetées au vent, il part, voyageur qui ne pense pas à soi mais au voyage, aux plages de rêves, forêts de mains, animaux d’âme, à toute l’indéniable