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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/48

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Demander secours à des présences extérieures c’est croire au miracle des échanges. Or les créatures assemblées se prennent beaucoup les unes aux autres et ne se donnent rien. Où va donc le fruit des larcins réciproques ? J’aimerais croire à quelque cagnotte de l’esprit, au patrimoine de l’humanité. Et cependant de cette humanité je continue à ne pouvoir prendre notion que si, libre de tout contact étranger, je suis enfin l’homme seul. Et qui donc n’a pas senti que pour être un homme, pour être, il fallait être l’homme seul. Je ne suis que par ce qui m’éloigne des autres et, me rendant incompréhensible aux regards de leur intelligence, les rend aussi incompréhensibles à moi-même.

C’est donc pour encourager les plus sûrs espoirs que je répète : « Aujourd’hui bien vide, bien blanc, bien seul. »

Il n’y a pas de bruit dans cet hôtel.

Le silence va-t-il valoir à mon cœur de s’entendre battre ?