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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/49

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Ce cœur, auparavant, lorsqu’il a battu (excusez du romantisme), lorsque mon cœur a battu par d’autres, pour d’autres, parmi d’autres, il n’était pas le métronome de soi-même, mais chacun de ses coups ne faisait que désigner un moment du désordre.

Oui, je le redirai, tous mes essais furent prétextes à me dissoudre, à me perdre. Au long des nuits, si je me suis dévoué à certains corps, c’était pour oublier le poids du mien, et si j’ai été curieux des âmes qui passaient, il faut l’avouer, c’est que la mienne était d’elle-même incapable d’exaltantes surprises.

Condamné tout le jour à ignorer la sensation d’être, parce que condamné à ne pas être seul, le soir, lorsque je me trouvais libre enfin, je n’avais pas le temps de m’habituer à moi-même. Pour échapper au malaise initial de ma propre rencontre, j’acceptais encore des présences. Et ainsi, afin que pût mieux s’évaporer la première angoisse du contact avec moi-même, je cherchais quelque autre