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Page:Crevel - Mon corps et moi (3e édition), 1926.djvu/50

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pour, l’heure du sommeil enfin venue, laisser s’échapper, se transposer, sans moyen choisi, le plus secret, le réel de mon être dont la révélation m’avait été donnée par des états et non par des images ou des sensations.

Nuits sans gestes et sans paroles, nuits qui ne connaissaient point les cauchemars. Un sommeil parallèle empêche la douloureuse surprise des rêves. Or ces rêves, si cruels aient parfois été les bouquets de torture dont ils se plaisaient à m’accabler, mes rêves, ne sont-ils pas justement ce en quoi mon orgueil aime à chercher des raisons. Je ne suis pas Hercule. Et puisque je n’ai pas entrepris les douze travaux, pourquoi accepter de filer aux pieds d’Omphale ? Pourquoi accepter de dormir entre des bras de créature humaine, tentacules de la plus inexorable des poulpes ?

Parce que je me révoltais d’avoir abdiqué, après des heures dans le lit de quelque autre, je haïssais le corps à l’ombre duquel je venais de reposer. également, je haïssais l’esprit