Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/250

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produire. Quelle admiration naïve et enthousiaste pour ces chants, qui étaient l'image de la vie, et dans lesquels on voyait et on entendait de véritables passions! Quand leur auteur eut disparu, après les avoir mis au monde et récités lui-même successivement, ils restèrent comme un groupe d’une beauté incomparable ; supériorité qui explique suffisamment pourquoi d’autres aèdes en les récitant à leur tour eurent l’idée de les accroître.

Mais il faut songer de plus que ces aèdes, ou du moins un bon nombre d’entre eux, semblent avoir appartenu originairement à une même famille. Nous aurons à parler plus loin avec quelques détails des Homérides de Chios. Il importe de dire dès à présent qu’il y eut là très certainement un groupe d’hommes, unis entre eux par des liens domestiques et religieux, qui furent à l’origine les dépositaires des premiers chants de l'Iliade. Grâce à eux, ces chants se répandirent promptement soit dans les villes du littoral , soit dans les îles, et partout sans doute furent accueillis avec la même faveur. Combien par suite les mieux doués de ces aèdes ne durent-ils pas se sentir vivement sollicités à créer de nouveaux épisodes à côté des anciens[1]? L’idée de respecter une œuvre existante, c’est-à-dire de la conserver dans sa forme première par égard pour l’originalité de son auteur, est relativement moderne. Elle ne

  1. Cette sorte d’accroissement d’un premier groupe de chants peut se produire même dans un poème proprement dit et du fait de l’auteur. M. Galusky (article cité, p. 865) mentionne le fait suivant : « Wieland, dans ses relations avec Wolf, ne niait pas que les choses eussent pu se passer telles qu’elles étaient présentées dans les Prolégomènes ; il faisait même à ce sujet des confidences intéressantes sur les additions successives dont s’était formé son poème d’Obéron. »