Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t1.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

230 CHAPITRE IV. — I/AHT DANS T/ILIADE

propre de celle poésie que de peindre loiil en ra- contant. Elle peinl par le choix de l'expression, par le son des mots, par le tour de la phrase, mais sur- tout par la netteté et la force de Timagc. Qu'on prenne au hasard quelques vers dans une des parties anciennes du poème, non pas un morceau éclatanl qui se détache du reste, mais au contraire un fragment du récil ordinaire.

« Alors, par leur ardeur, les Danaëns brisèrent enfin la ligne ennemie, et un cri de victoire éclata à travers les rangs. En tête Agamemnoii s*élançail : et il tua un guerrier, Bianor, chef d'une troupe de combattants, et avec lui son compagnon Oïlée qui menait les chevaux. Bondissant hors du char, Oïlée s'était jeté devant lui ; mais au milieu de son élan même, Agamemnon le frappa de sa huice aiguë entre les deux sour- cils, et l'airain massif du casque n'arrêta pas le fer; la pointe traversa la visière, puis l'os du front, et elle déchira en dedans tout le cerveau; et Oïlée tomba en plein élan*. »

Toute la narration dans les chants primitifs est ainsi: toujours rapide, brève, et pourtant largement rythmée, montrant chaque chose en un mot, et jamais rien qui no louche ou qui ne frappe. Une intuition nette et précise , sans sécheresse néan- moins ; quelques traits qui dessinent les person- nages, indiquent le mouvement, éveillent l'imagi- nation. Nulle poésie n'est plus suggestive; aucune ne produit ])lus d'cfl'et avec moins d'efforts.

Ce qu'elle décrit ainsi sans chercher cependant à décrire, c'est sans doute une fiction, mais toute com- posée (le traits réels. Le poète homérique d'une ma- nière générale doit être conçu comme un observateur et nullement comme un rêveur : il sait à peu près tout

��1. Iliade j XI, 90 et suiv.

�� �