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LIVRES V-VIII 283

pleurant sur le rivage, et regardant au loin à travers riininensité de la mer. L'impression est saisissante ; l'homme nous est immédiatement révélé.

Les plaintes de Calypso en réponse au message d'Hermès sont en quelque sorte l'expression sensible de la dure captivité qui pesait sur Ulysse. Il faut que nous sentions combien le lien est diflicile à rompre pour que la délivrance du héros ait toute son impor- tance morale. L'ordre de Zeus met fin à la résistance de Calypso, mais le poète a soin que la volonté per- sonnelle d'Ulysse se manifeste aussi dans cette rup- ture. La déesse vient à lui, parée, pleine de séductions, elle lui annonce qu'il est libre et qu'il va préparer son départ ; et comme il doute, elle confirme ses paroles par les serments les plus solennels ; mais en même temps, elle cherche à lui inspirer le regret de ce qu'il va faire et elle veut lui faire sentir com- bien Pénélope lui est inférieure en tout. Ulysse se révèle tout entier dans sa réponse. Ce que Calypso lui dit, il le sait, et il en convient sans difficulté. Oui, la traversée est pleine de périls; oui, Pénélope n'est qu'une femme, et elle ne peut se comparer à une déesse; mais, malgré cela, ce qu'il veut, ce qu'il espère, c'est de rentrer chez lui, c'est de voir luir le jour du retour. Cette noble obstination de l'homme dans les sentiments humains, cet attachement du mortel à ses affections mortelles, voilà dès ce début la source profonde du pathétique.

Ulvsse se met à Tœuvre. Il fait son radeau de ses

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propres mains. Il part, et le voilà seul sur les flots, assis au gouvernail nuit et jour. Dix-sept jours se passent; la terre des Phéaciens est en vue. Alors Poséidon entre en scène. Il aperçoit son ennemi qui va lui échapper; parsonordre, la tempête se déchaîne, et Ulysse lutte contre les éléments bouleversés. Celle

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