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312 CHAPITRE V. — ANALYSE DE L'ODYSSEE

surtout en ce qu'Ulysse, après vingt ans d'absence, se retrouverait tout à coup en présence de sa femme, sans qu'il lui fut permis de trahir son émotion; or ici, à propos d'une circonstance insignifiante, voici que le héros revoit Pénélope : l'effet de la scène principale en est affaibli d'avance comme à plaisir. Et, chose remarquable, l'auteur oublie même de nous signaler ce fait, dont l'importance morale est pourtant si grande dans le développement de l'action. Comment douter dès lors que l'épisode en question n'ait été ajouté aux récits primitifs, lorsqu'on cher- chait à les grossir par des inventions accessoires? Remarquons seulement qu'il est postérieur à celui d'Iros, auquel il se réfère par une allusion directe (v. 233 et suiv.). — La scène qui suit (v. 304-345) n'est pas moins inutile à l'action générale. Les ser- vantes viennent pour éclairer la salle pendant les danses des prétendants. Ulysse veut les congédier; mais insulté par Tune d'elles, Mélantho, il ne peut les renvoyer qu'en les menaçant. L'insolente Mé- lantho est visiblement une copie du grossier et brutal Mclanlhcus du XVIP livre; la ressemblance même des noms accentue celle des senlimonts et des ac- tions. On ne comprendrait guère que le poète pri- mitif se fût ainsi imité lui-même et presque répété sans molif. C'est donc là encore un épisode ajoulé, postérieur lui aussi à celui d'Iros comme le prouvent les vers 333 et suivants. Le récit de l'insulte faite h Ulysse par Eurymaquc clol celle série de scènes à peine liées entre elles. îVous avons là sous les yeux une variante de l'épisode d'Anlinoos au XVI1° livre, mais la copie resle fort inférieure au modèle. En somme tout ce dix-huitième livre paraît étranger au groupe des chants primitifs, et l'impression qu'il donne est celle d'une sorte d'inlermèdc, formé d'une

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