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UNITÉ PRIMITIVE DU POÈME 501

exemple éminemment propres à former la matière d'une de ces récitations ; le mythe de Prométhée et celui des âges du monde ne l'étaient pas moins : cha- cun de ces récits, grâce à l'idée morale qu'il conte- nait, servait à grouper des pensées de même nature, dont il devenait le centre. Les récitations différaient d'ailleurs les unes des autres ; le poète les découpait à son gré dans le recueil toujours grossissant qu'il se faisait à lui-même, et il avait soin de les varier, tout en restant fidèle et à ses principes bien connus et à quelques données énoncées tout d'abord. Quand nous appelons les Travaux un poème, l'expression dont nous nous servons ne doit donc pas être prise dans son sens étroit et rigoureusement exact. S'il fallait chercher quelque chose d'analogue dans les littératures modernes, nous comparerions une telle œuvre, en tenant compte de différences évidentes, à des collections comme les Caractères de La Bruyère, ouvrages sans cesse accrus, formés d'éléments di- vers que l'auteur a négligé de lier fortement, et pourtant doués d'une incontestable unité. Seulement le recueil du vieux poète, loin de s'être maintenu dans l'état où il l'avait laissé, a du subir après lui bien des additions et bien des suppressions. Quel- ques parties en ont été oubliées, quelques-unes ont été grossies. D'autres poètes y ont ajouté tour à tour des réflexions nouvelles et peut-être des morceaux entiers. En agissant ainsi, ils n'ont d'ailleurs ni mo- difié le procédé intime de la composition, ni altéré très gravement la physionomie primitive de l'œuvre.

III

Il résulte de ce qui vient d'être dit que le poème des Travaux procède à la fois de circonstances parti-

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