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94 CHAPITRE III. — POÉSIE ÉLÈGIAQUE

on passe de la langue française du xvi^'siècle, luxuriante et riche, à celle du xvii®, exacte et abstraite. Gardons- nous d'exagérer. Dans la poésie grecque, l'imagination et le sens de la beauté plastique ne sauraient jamais perdre tous leurs droits; mais la sévère raison a certaine- ment grandi dans Tintervalle, et s'est fait une plus large place ; les comparaisons, moins fréquentes que chez Ho- mère, sont plus précises et plus serrées. — La phrase aussi a pris une autre allure. Elle aime encore parfois à s'étendre en liberté, avec ampleur et grâce ; mais, d'or- dinaire, elle est plus ramassée, plus énergique. La forme du distique Vy sollicite : c'est un moule où la pensée s'en- ferme naturellement ; très souvent la phrase finit avec le second vers. Non que ce soit le moins du monde une règle, comme il est arrivé dans la poésie latine; c'est tout au plus une tendance. L'habitude ne va pas jusqu'à la raideur, mais elle donne au style de la fermeté. Le pentamètre, avec sa double coupe si nette et le parallé- lisme de ses hémistiches, met le mot en saillie et grave l'idée; il semble fait pour l'antithèse. C'est la grâce de l'élégie grecque d'avoir su éviter le péril d'une forme qui pouvait devenir un peu raide et d'en avoir tiré de la force sans dureté. Après des vers nettement coupés, pleins de sens, brefs et impérieux, l'esprit grec, toujours souple et mesuré, sait glisser légèrement d'un distique à l'autre, et déployer une belle phrase harmonieuse et facile.

Vint-il un moment, dès la période classique, où l'élégie, primitivement chantée et accompagnée du jeu de la flûte, s'affranchit de cette association et se contenta, comme Tépopée, de la simple récitation, ou jnôme s'adressa surtout à des lecteurs ? La question est controversée. Des textes de grammairiens anciens répondent affirma- tivement, mais ne sont pas tout à fait d'accord sur la date de cette transformation. Un passage de Ghaméléon

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