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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/128

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116 CHAPITRE III. — POÉSIE ÉLÉGIAQUE

soleil n'égaient plus son regiird; les enfants le haïssent, les femmes le méprisent; tant les dieux ont fait la vieillesse mi- sérable 1 !

Joie d'être jeune, horreur de vieillir, voilà la double idée qui inspire à Mimnerme ses accents les plus péné- trants. La moitié des vers qui nous restent de lui sont consacrés à cette antithèse. Mieux vaut mourir que vieil- lir, répèle-t-il sans cesse. Tithon a reçu de Zeus une vieillesse immortelle : le malheureux ! c'est un mal im- mortel que les dieux lui ont donné ^. « Puissé-je, dit-il ailleurs, sans maladie et sans chagrin, rencontrer à soixante ans la Parque et la mort ^ »

En somme, ces vers sont tristes ; la crainte de Tave- nir y tient autant de place que la joie du bonheur présent.

Pour nous, pareils aux feuilles que pousse la saison fleurie du printemps sous les rayons fécondants du soleil, pendant un instant fugitif nous jouissons de la fleur de notre jeunesse, condamnés par les dieux à ne connaître ni notre bien ni notre mal; et les noires destinées nous environnent, l'une amenant la faible vieillesse, l'autre la mort. Le fruit de la jeunesse est éphémère : il dure autant que la clarté du soleil. Une fois ce terme dépa&sé, alors la vie devient pire que la mort^.

Et ailleurs :

Celui qui jadis était beau, quand l'heure est passée, fait pi- tié même à ses enfants et à ses amis 3.

1. Fragm. 1 (Stobée, Floril. LXIII, 16). Horace fait allusion au début de ce morceau [Ep, I, 6, 65) :

Si, Mlmnermus uti censet, sine amore jocisque Nil est jucundum, vivas in amore jocisque.

2. Kaxbv àçOcTov (Fragm. 4).

3. Fragm. 6. C'est à ce vers que répondit Solon en remplaçant « soixante ans » par « quatre-vingts ans ».

4. Fragm. 2 (Stobée, Floril. XGVIII, 13).

5. Fragm. 3 (Stobée, Flonl, XGVI, i).

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