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126 CHAPITRE III. — POÉSIE ÉLÉGIAQUE

Lo poète parle avec une franchise implacable. On com- prend le goût de Démoslhène pour ce fier langage. Mais il n'y a dans cette franchise aucune violence, aucune amer- tume qu^on puisse soupçonner d'une arrière*pensée per- sonnelle. C'est au nom de la vérité, du droit, du salut de la patrie, au nom de la justice divine aussi, que Solon s'ex- prime de la sorte. On sent de la tristesse dans ses repro- ches encore plus que de la colère. C'est un sage qui parle et non un homme do parti. La fîn est d'une grande beauté, sévère et grave au fond, comme la voix même de la vé- rité, mais éclairée çà et là d'un discret rayon de poésie :

Tels sont les enseignements que mon cœur m'ordonne de faire entendre aux Athéniens. Le mépris de la loi couvre de nmux la cité. Quand la loi règne, elle remet partout Tordre et Tharmonie, et elle enchaîne les méchants. Elle aplanit ce qui est rude, iétouflfe l'orgueil, éteint la violence >, et sèche la ca- lamité dans sa fleur naissante. Elle redresse les voies obli- ques, adoucit les œuvres de l'orgueil et réprime colles de la sédition. Elle maîtrise la fureur de la discorde douloureuse, et, par elle, tout devient, parmi les hommes, harmonieux et raisonnable ^.

Ces deux derniers mots ' caractérisent à merveille la poésie même de Solon : harmonie et raison, c'est là son idéal, et il le réalise dans ses vers comme dans sa vie.

D'autres fragments se rapportent à son rôle de légis- lateur. 11 répond aux attaques dont il a été l'objet; il dit ce qu'il a fait et voulu faire. On y retrouve la même me- sure et la même noblesse, revêtues de la même grâce poéti- que. Il a le sentiment le plus fier de son impartialité comme législateur, et c'est de quoi il se glorifie surtout. Il a

1. Je traduis pîir des à pou près les mots ita\i£i x6pov, Cêpiv àfia'jpoî; ce sont là des tcrnios consacrés dans la théologie morale do laGrèco, et qui n'ont pas d'éqnivaloiit exact en français.

2. Vers 33-ii.

3. *'EaTi ô' vu' aytr,; — Tcivta xaT* àv'iptoTro'j; apxia xac irivvTot.

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