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SOLON 129

faire ce que demandaient alors mes adversaires ou au contraire importer par force ce qui était ngréable à mes amis, la ville aurait été privée de bien des hommes.

Solon, qui ne voulait pas de la tyrannie pour lui-même, ne voulait pas non plus qu'elle fût exercée par d autres. Il prévit Pisistrate et dévoila les projets du futur tyran. On sait que ses propliéties (dont il nous reste quelques traces *) furent inutiles. On les traitade folles et de chimé- riques ^ Solon put les rappeler plus tard à ses concitoyens en leur reprochant leur sottise. Il leur disait spirituelle- ment :

Chacun de vous pris à part est malin comme un renard ; tous ensemble, vous n'êtes que des étourdis; vous écoutez les belles paroles d'un homme à la langue rusée, et vous n'avez pas d'yeux pour ses actes 3.

Cette belle unité de la vie politique de Solon a ses ra- cines dans une philosophie morale très humaine et très sage qu'il nous a lui-même expliquée. Solon considère la vie comme soumise au gouvernement d'une divinité juste. Il aime tous les biens de ce monde, la richesse, la santé, le plaisir : nulle trace de sévérité ascétique dans sa pensée. Mais il faut que la justice serve de fondement à tous ces biens, et que la modération en règle l'usage. Quand la justice est absente, la peine ne saurait manquer : elle arrive tôt ou tard. Quand la modération fait défaut, l'excès amène l'orgueil, qui excite la colère des dieux. C'est la vieille morale grecque : rien de trop, (tinSevayav; l'homme doit rester à sa place, content de son sort, rési- gné aux misères inévitables ; s'il veut usurper sur la part des dieux, ceux-ci l'en punissent. Ces idées sont

1. Fragm. 10 (Diog. Laêrce, I, 49).

2. MavcYjv |A£v èjATiv (lAtrf.).

3. Fragm. il (Diog. Laôrce, I. 51).

Hist. de la Litt. grecqa^. — T. II. 9

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