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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/144

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132 CHAPITRE III. — POÉSIE ÉLÉGIAQUE

des opinions de Solon et de ses sentiments. Pour appré- cier son style, il faudrait lire ces passages en grec. On y verrait la noblesse aisée du langage, le mélange harmonieux des locutions homériques et des mots or- dinaires, la précision de la pensée et la grâce des iuia- geSf la souplesse de la phrase. En co qui est pourtant des images et de Tallure générale de la phrase, une tra- duction même peut en laisser voir quelque chose. On a remarqué plus haut toutes ces belles comparaisons qui naissent d'elles-mêmes en abondance, qui se déroulent en tableaux ou se renferment en quelques mots seulement : celle de la vengeance divine qui n'est d'abord qu'une étincelle avant de devenir un incendie, celle de la splen- deur printanière reparaissant après Torage. Ailleurs en- core, parlant de la misère répandue dans la cité, il la montre envahissant le domicile de chacun : «...Et les portes de la cour, dit-il, ne peuvent plus l'arrêter *. » Solon a le don poétique par excellence, le don de Tirnagc. Il a aussi celui de la phrase bien rythmée, habile à tra- duire, par la diversité de son allure^ toutes les nuances du sentiment; tantôt brève, impérieuse; tantôt sinueuse et largement épandue ; tantôt coulant à petits (lots pres- séSy pour ainsi dire, mais d'un mouvement unique et puissant ^.

Par tous ces traits, Solon est un plus grand écrivain que ne l'avaient été, semble-t il, les élégiaques antérieurs, sauf peut-être Mimnerme. Avec une conception de la vie plus large et plus profonde, il dispose d'une forme litté- raire exactement appropriée à sa pensée. L'admiration des anciens ne s'y était pas trompée. On faisait de lui un des Sept Sages, c'est-à-dire l'un des maîtres par excel-

1. Fragm. 4, v. 28.

2. Précision et brièveté, fragm. 4, v. 35 et suiv. ; phrase large et facile, fragm. 13, v. M et suiv. ; etc. — Le dialecte de Solon est un ionien littéraire tempéré de quelques formes attiques.

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