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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/160

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148 CHAPITRE III. — POÉSIE ÉLÈGIAQUE

une doctrine. Or, chez Théognis, un jugement de son esprit apparaît sans cesse au fond des révoltes de sa sensibilité. Non qu^il soit pourtant ni impie ni découragé : il est trop Grec pour perdre entièrement courage, et trop soumis à la tradition pour nier les dieux ; mais il s'agite et se tourmente, et sa pensée se trouble. Tandis que Solon voit toujours, au-dessus des nuages accumulés, la divine splendeur du soleil de Zeus, Théognis, qui pourtant ne demande qu'à y croire, la cherche et ne la trouve pas. Il ne cesse pas de croire pour cela, mais il cesse de comprendre ; l'harmonie suprême des choses lui échappe, et il le dit comme il le pense, ou plutôt comme il le sent, avec une ftpreté brusque et une sorte de gronderie pas- sionnée.

Le fond de son enseignement à Eyrnos, c'est celui même qu'il a regu de la tradition. Il ne veut pas inno- ver» et ne se croit pas novateur le moins du monde :

Ce que j'ai moi-même appris des honnêtes gens dans mon enfance, voilà, Kyrnos, la sagesse que je t'enseignerai ^

Ety en effet , il lui prêche la vieille morale grecque , la piété envers les dieux, le respect des parents, la mo- dération qui fuit l'orgueil et s'abstient de toute violence. La morale a dans chaque pays son langage traditionnel, son style proverbial et comme consacré qui fait une par- tie de sa force persuasive. Théognis s'attache à le re- produire :

Pauvres hommes ignorants, nous n'avons que de vaines pensées : mais les dieux achèvent toutes choses selon leurs desseins *.

Rien n'est meilleur sur la terre, ô Kyrnos, qu'un père et une mère respectueux de la sainte justice 3.

1. V. 27-28.

2. V. 141-14 .

3. y. 131-132.

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