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184 CHAPITRE IV. — POÉSIE lAMBIQUE

Point d'arcs tendus, point de frondes, quand Ares dans la plaine heurtera la môlée : les épées feront leur ouvrage au milieu des gémissements, car tel est le combat cher aux maî- tres belliqueux de l'Eubée ^

Comment ce batailleur émérite a-t-il pu écrire sur la perte de son bouclier les vers qui ont tant scandalisé les moralistes?

Quelque Saïen maintenant se pare de mon bouclier, belle arme, abandonnée par moi près d'un buisson, hélas! Après tout, j'ai fui rheure fatale de la mort : adieu l'ancien bouclier; j'en achèterai un neuf qui le vaudra bien *.

Je conclurais volontiers de ces vers, en dépit de la légende, qu'Archiloque était brave; un lâche, au lieu de faire avec cette désinvolture les honneurs de sa fuite, Taurait dissimulée. Le patriotisme, selon toute appa- rence, n'était guère intéressé dans Tairaire. Archilo- que faisait partie d'une bande soldée; il y eut déroute, et le poète-soldat, peu ému d'une mésaventure dont il n'était pas responsable, prit le parti d*en plaisanter. Ho- race, au lieu de se scandaliser, a imité les vers d'Archi- loque; c'était plus spirituel et peut-être aussi moral que de s'en indigner ^ — Tout n'était pas agréable dans ce métier de mercenaire ; on y était, en somme, peu con- sidéré : deux ou trois mots d'Archiloque laissent en- tendre qu'il s'en apercevait, mais on ne voit pas qu*il s'en soit affligé outre mesure *; ce qui lui manquait plus que le courage, c'était peut-être une certaine fleur de délicatesse.

��1. Fra{?m. 4.

2. Fragm. 6.

3. Cf. des imitations analogues dans Alcée (fragm. 32) et dans Ana- créon (fragm. 28).

4. Fragm. 14 et 24.

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