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CHAPITRE V. — LA CHANSON

du pays auquel appartient le poète : Alcée et Sappho chantent en éolien, Anacréon en ionien.

Quant au style, la seule chose qu’on puisse en dire d’une manière générale, c’est qu’il est parfaitement sincère, et qu’ayant à exprimer des sentiments variés, il use avec une liberté hardie de toutes les ressources que la tradition poétique grecque met à sa disposition : tantôt simple, naïf, presque populaire ; tantôt éclatant, plein de ces épithètes composées qui renferment dans un seul mot plusieurs images ; ou d’une élégance exquise, tout éclairée de beaux mots épiques, ou encore d’une franchise, d’une vigueur, d’une éloquence poignantes. Bref, il prend toutes les allures, plus encore que dans l’iambe et dans l’élégie.

Les Grecs distinguaient dans la poésie légère plusieurs variétés, d’après la différence des occasions ou des sujets : chants d’amour (ἐρωτικά), chants de table (συμποτικά, παροίνια μέλη), chants politiques (στασιωτικά). Cette division est simple et juste, mais elle n’implique pas de différences bien tranchées dans la technique des poèmes qui se rapportaient à l’un ou à l’autre de ces groupes : c’est une classification plutôt rationnelle et littéraire que traditionnelle et technique. Aussi n’avons-nous pas grand’chose à ajouter sur chacune de ces subdivisions, qui ne constituent pas des genres à proprement parler. Rappelons cependant que l’ode amoureuse avait suscité un mode musical nouveau, le mixolydien dont on attribuait quelquefois l’invention à Sappho, et qui passa ensuite dans la tragédie : le caractère en était très passionné[1]. Notons aussi que cette sorte de chanson est souvent désignée par le mot cômos (ϰῶμος ). Alcée disait : «  Reçois mon cômos, reçois-le, je t’en prie, je t’en sup-

  1. Aristoxène, dans Plutarque, De Musica, c. 16.