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ANAGRÉON 240

qui s'empare do la tyrannie par une série de crimes, fonde une puissance redoutable, en use comme un bri- gand, s'entoure pourtant de Téclat des arts, et meurt un beau jour dans un guet-apens. Il avait commencé par faire périr un de ses frères pour être seul maître. Une fois au pouvoir, il se mit à piller amis et ennemis indis- tinctement, ayant pour maxime, dit Hérodote, que les amis étaient plus reconnaissants quand on leur rendait ce qu'on leur avait pris d'abord que quand on ne leur prenait rien du tout ^ Avec cela, fort épris des arts, curieux des belles choses, et désireux de faire ad- mirer sa magnificence. Il avait orné et enrichi Samos. Il avait fait venir a grands frais de toutes les parties de la Grèce les plus belles races de chiens, de chèvres, de porcs, de moutons ^ Dans sa forteresse d'Astypalée, défendu par sa flotte de guerre et par ses mille archers scylhes, il tenait une cour luxueuse; il aimait à s'entou- rer de beaux esclaves, d'arlisles, de savants et de poètes (le ïhrace Smerdiès à la belle chevelure, le flûtiste Ba- thylle, le médecin Démokédès, les poètes lyriques Ibycos et Anacréon ^); il vivait en despote inteUigent et rafOné. C'est dans ce monde très brillant, mais très peu moral, que vécut Anacréon. Son rôle, comme celui d'Ibycos do Rhégium, fut d'assaisonner par la douceur de ses chants les fêtes du maître; il était Tâmo de ses plaisirs, le charme de ses banquets. On ne saurait demander à un poète do ce genre une conception bien haute de la vie. Pindare, dans sa gravité dorienne, refusa longtemps, dit on, d'aller tenir une place analogue auprès du tyran de Syracuse, Iliéron; et quand enfin il se décida à s'y rendre, il ne consentit pas à se mettre tout à fait au ton

1. Hérodote. III, 39.

2. Athùnce, XII, p. 5i0, C-E.

3. Sur Smerdiès, cf. Anthol. Palat., VIT, 27 et 31 ; sur Batliyllc, ibid, 30 et 31 ; sur Démokùdés, Hérodote, III, 125.

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