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353 GlIAPITllE V. — LA CHANSON

Sache-le donc; je puis te brider à merveille, et, les rênes en main, te faire tourner au bout du stade.

Tu pais dans les prairies ; légère et bondissante, tu t'ébats librement : c'est que tu n*as pas encore trouvé un cavalier ca- pable de te dompter i.

Tout cela est charmant, mais ne ressemble guère, pour le sérieux et la passion, à tels vers de Sappho que nous avons cités précédemment. Voici encore un joli passage (mais est-ce luimômo qui parle, ou bien n'cst-il ici que rinterprètc d'un personnage qu'il met en scène?) :

Un petit morceau d'un mince gâteau de miel, un flacon de vin, voilà mon déjeuner; et maintenant, avec délicatesse, sur ma pectis charmante, je dis une chanson en l'honneur de mon amie, une délicate el tendre enfant 2.

Il semble qu'Anacréon ait parfois prêté son art à l'expression des sentiments de Polycrale plutôt qu'aux siens propres; dans certaines pièces, il n'était amou- reux que par procuration; quand il chantait Smerdiès, Mégislès ou Balhylle, ce n'était pas toujours pour son propre compte. Élien raconte, évidemment d'après des vers aujourd'hui perdus d'Anacréon, une aventure ca- ractéristique ^ Le poète avait chanté Smerdiès sur Tordre de Polycrale; mais le bel enfant prit l'intervention du poète au sérieux et ne voulut voir que lui en cette affaire; Polycrale, jaloux et irrité, lit couper les longs cheveux du jeune garçon, et le poète, mis dans uno situation délicate, s'en lira par son esprit : il feignit de croire que Smerdiès avait coupé ses cheveux de son plein gré et l'en blâma dans une pièce de vers. Le sago Élien loue beaucoup Anacréon, au nom de la morale, do

��1. Fragm. 75.

2. Fragm. 17.

3. Élien, Hist. Var., IX. 4. Cf. Athôuco, XII, p. oiO, E.

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