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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/265

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n’avoir été souvent que le porte-paroles de Polycrate, parce que les amours de celui-ci étaient réprehensibles. No cherchons pas si le poète qui loue ces amours est en pareil cas plus excusable; mais ce qui est sûr, c*est que cette manière do faire est d’un artiste très souple, et fait prévoir de sa part autant d'élégance mondaine pour le moins que d’émotion naïve et forte. Il semble que le principal mérite moral d’Anacréon (si l’on peut parler à ce propos de mérite moral) ait été d*abord dans sa haine pour la persuasion qui s’achète à prix d’argent, car il la blâmait quelque part \ ensuite et surtout dans son goût do la beauté, qui l'écartait de certaines bassesses et lui faisait rechercher en tout une mesure élégante : il aime les banquets, mais non les orgies; celles-ci sont bonnes pour des barbares, pour des Scythes : entre Grecs et gens bien élevés, on boit gaiment, en chantant de beaux vers 2 . A ces conditions, d’ailleurs, il aime un brillant festin où l’on se couronne de roses en buvant :

Donne de l'eau, enfant, donne du vin, donne des couronnes fleuries, afin que je mesure ma force contre celle d’Éros 3.

Un tiers de vin, deux tiers d’eau, voila la mesure 4 ; mesure modeste, qui était celle des Grecs : Alcée lui-même, le bon buveur, s’en contentait 5.

Des railleries, des satires se mêlaient dans les poèmes d’Anacréon à l'éloge du plaisir; le gracieux poêle savait piquer en souriant, d’une main légère et sûre. Une demi-douzaine de fragments nous apportent l’écho de ces railleries. Quelques-uns sont trop courts pour offrir un

i, Fragm. 33.

2. Fragm. 63.

3. Fragm. 62.

4. Fragm. 6.J.

5. Athénée, X, p. 430, A.