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266 CHAPITRE VI. — LYRISME CHORAL

beaucoup réfléchi et beaucoup rêvé. Elle ne s'est pas contenlée dorhorizoa net et limpide où la vie grecque se renfermait. Elle a parcouru les océans sans bornes et sondé les espaces sans fond du ciel illimité. Elle a cher- ché rinfîni; elle a voulu le connaître et le saisir ; elle Ta interrogé ; elle a cru parfois entendre sa réponse, et elle a soupçonné ensuite que cette réponse n'était qu*un écho de sa propre pensée. Elle a tour à tour espéré sans mesure et désespéré avec amertume. Après tant d efforts et de chutes, elle s est relevée phis sensible et plus dou- loureuse, plus riche d^expérience et plus mûre. Quand on a fait le tour de toutes les philosophies, on a une manière nouvelle d'éprouver les sentiments les plus pri- mitifs.

Mais ce qui a si fort développé la vie individuelle est peut-être aussi ce qui a rendu chez les modernes la vie collective si difQcile à saisir et si rebelle à toute expres- sion précise de Tart. Plus les individus sont complexes et variés, vivant d'une vie propre très intense, moins ils sont capables de former un groupe harmonieux et sim- ple. Notre vie a son centre beaucoup plus dans le for intérieur que dans Tagora. L'Etat, chose abstraite, ne vaut pas pour le poète la Cité, chose vivante. L'idée de Pa- trie elle-même, si forte, semble avoir épuisé sa fécondité littéraire quand elle a suscité quelque Marseillaise, Elle est pourtant capable de faire plus et mieux, mais à la condition de moins s'enfermer dans le souci de Taction immédiate ; elle n'aura toute sa vertu poétique et lyrique que le jour où elle enveloppera distinctement et nette- ment aux yeux de tous le passé avec le présent, la contemplation émue de l'histoire nationale tout entière avec la volonté actuelle d'une résolution nécessaire. En Grèce, au contraire, surtout à l'époque dont nous par- lons, la vie collective et sociale est très active. La cité est restreinte, et chacun y connaît son voisin. La reli-

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