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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/400

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388 CHAPITRE VII. — PINDARE

il faut que la vérité pénètro sans déchirer ; il faut eofin que la vanité la plus délicate ne puisse s'offenser de ses avertissements, tant la mesure en sera judicieuse et Tas- saisonncment agréable.

Pindare y excelle. Les odes qu'il adresse à Hiéron ou à Arcésilas permettent de bien juger sa manière d'agir à cet égard : on y voit clairement ce qu'il croyait avoir le «droit de dire, et à quelles conditions ^ Cette morale qu'il adresse à ses héros reste générale dans la forme, même quand elle est particulière par l'intention. Elle est pleine d'éloges, de respect, de gravité. Ce n'est pas au nom d'un homme, au nom de la sagesse propre d'un poète, si grand qu'il soit, qu'elle s'exprime : c'est d'une manière impersonnelle, en quelque sorte, au nom des dieux, au nom de la sagesse traditionnelle dont le poète n^est que l'écho mesuré. Elle s'abstient d'allusions; elle évite l'anecdote maligne et l'épigramme. Tandis que les éloges sont directs, amples, magnifiques, elle reste brève et générale, et elle échappe par sa généralité même au risque d'oifenser. Elle n^est pas plus blessante pour l'orgueil le plus cha- touilleux que ne l'étaient au xvii*" siècle, par exemple, dans un sermon prononcé devant le roi^ des conseils en- veloppés d'éloges, des avertissements dont l'orateur, par- lant au nom de la religion, prenait le premier sa part, des leçons enGnqui, semblant s'adresser à tout le monde, ne heurlaiont personne. On connaît le mot de Louis XIV à un prédicateur indiscret : « Mon Père, j'aime à prendre ma part d'un sermon, je n'aime pas qu'on me la fasse. » Il en est de même à plus forte raison des legons morales que peut donner la poésie lyrique; car un poème lyrique n'est même pas un sermon, c'est avant tout un éloge. Mais, dans ces limites de courtoisie générale et de bon goût, le poète aie droit de dire sa pensée, et Pindare n'y

1. Pour plus de détails, cf. Poésie de Pindare, p. 280-284.

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