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CARACTÈRE GÉNÉRAL DE SON TALENT 391

foudre. Il a rimagination rapide et puissante. Tantôt c'est le côté général et abstrait, tantôt le côté sensible et plastique de la. réalité que son regard saisit; souvent, c'est à la fois Tun et lautre, et il les amalgame ensem- ble, par la force de son imagination, d'une manière si intime que, dans l'expression même, il ne les distingue pas, et qu'il contraint la langue à toutes les hardiesses pour qu'elle ne sépare pas cô que lui-même a si étroite- ment uni. — La vivacité de ses impressions ressemble parfois à l'émotion d'une sensibilité profonde : il se ré- crie, il s'exclame, il s'interroge, il apoètrophe. Il ne faut pas s'y tromper pourtant : toutes ces émotions sont à la surface; elles se jouent dans la région supérieure de son âme, où s'agitent les idées générales et les belles images, cette matière épurée d'une poésie tout idéale. Même dans ses thrènes, nous dit-on, Pindare évitait l'attendrisse- ment : les plaintes n'arrivent qu'adoucies* jusqu'aux cimes qu'il habite. Son lyrisme est, pour employer Tex- pression grecque, hésychastique. — Comme son regard descend de haut sur les choses et qu'il ne s'attarde pas à les analyser, il enferme en peu de mots beaucoup d'idées ; aussi, à ne considérer que la quantité de ces idées et de ces images, son style est rapide. En même temps, comme il n'a aucune passion qui l'entraîne, comme il n'éprouve aucune hâte d'arriver au but, il a dans Tensemble de son style, dans le mouvement général de sa pensée, une am- pleur noble et magnifique. Il a de vifs élans, de sommets en sommets, mais sans eflbrts, sans violence, d'un coup d'aile puissant et sûr; avec cela une grâce parfois char- mante, la grâce do la force qui se modère et se maîtrise elle-même. — Horace compare Pindare au cygne :

Milita DircoBum levât aura cycnum *. 1. Horace, Odes, IV, 2, 25.

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