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424 CHAPITRE VII. — PINDARE

lyrisme s'achèvent et se couronnent dans les Odes triom- phales. Après Pindare il y a sinon décadence, au moins incertitude et temps d'arrêt. Les uns, simples imita- teurs, manquent d'originalité ; ils font avec talent ce que Pindare avait fait avec génie. Les autres innovent, surtout dans le dithyrambe^ et charment encore la foule par leurs inventions; mais les juges sévères protestent; aux yeux des critiques d'un goût délicat, l'équilibre en- tre la poésie et la musique est rompu : c'est réellement un art nouveau qui commence, et Tancienne tradition lyrique va tomber dans l'oubli. L'instant si court de la perfection est irrévocablement passé. C'est une autre forme de l'art, celle du drame, qui va désormais appeler à elle et susciter le génie ; elle succède au lyrisme comme le lyrisme lui-même avait succédé à l'épopée.

Debout ainsi à la limite de deux âges, entré le lyrisme dorien qui finit et le drame attique qui débute, Pindare n'en est que plus grand. Il est le témoin du passé plus que le prophète de l'avenir ; mais ce passé est si mal connu et Pindare le personnifie avec tant de puissance, qu'il faut se féliciter que le poète soit si peu un Attique. C'est bien ainsi que les anciens en jugeaient. Denys d'Ha- licarnasse vante sans cesse, avec la hauteur de l'inspi- ration pindarique, cet air d'antiquité, cette sorte de rouille ou de patine qui rendait le monument du poète plus auguste encore et plus vénérable *. Chez les moder- nes, cependant, on sait que sa gloire a subi parfois de rudes assauts. Objet d'un culte enthousiaste de la part des poètes artistes de la Renaissance, raisonnablement ad- miré au xvu* siècle par les défenseurs des anciens, il fut à la même époque, avec Homère, très fort raillé par les partisans des modernes, et le xviii® siècle presque tout entier, plus juste pour Homère, ne le fut guère plus

1. Denys d'Halicarnassc, Arrangement des mois^ c. 22.

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