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434 CHAPITRE VIII. — ORACLES ET MYSTÈRES

leurs œuvres un ornement. Ils avaient en partie raison. Il ne faut pas demander à des oracles la passion et Téclat de répopée. Il ne faut pas non plus s'étonner d'y relever des obscurités, des bizarreries qui sont évidemment in- tentionnelles. Dans Texpression du moins de certaines idées morales ou religieuses, le style de la Pythie fait par- fois assez bonne figure à côté de celui des élégiaques du même temps. Elle no semble pas, il est vrai, fort origi- nale; elle emprunte un peu de toutes mains; mais ses emprunts sont adroits; l'expression, quand il le faut, a de la netteté, de l'élégance, même de la grandeur. L'His- toire d'Hérodote, comme on sait, nous a conservé un cer- tain nombre d'oracles de Delphes ^ Il suffira d'en citer deux comme exemples.

Le premier est celui qui fut rendu parla Pythie en ré- ponse à la question insidieuse que Crésus lui adressait pour l'éprouver '. Crésus avait fait demander à quoi il s'occupait au moment même où ses envoyés étaient en train d'interroger l'oracle. Or il avait imaginé de faire cuire, dans un bassin de cuivre à couvercle, des morceaux de tortue et d'agneau mis ensemble. La réponse de l'oracle commence par deux beaux vers sur l'omniscience d'A- pollon ; elle tombe ensuite dans la trivialité entortillée que réclamait la nature de la question posée. C'est l'image en raccourci des grandeurs et des misères de la Pythie. Voici les vers :

Je sais le nombre des grains de sable et la mesure de la mer. Je comprends celui qui est muet et j'entends la pensée que nulle voix n'exprime. — Voici qu'une odeur m'arrive : une tortue à l'épaisse cuirasse cuit dans Tairain avec des chairs d'agneau; au-dessous l'airain s'étend, et au-dessus Tai- rain la recouvre.

L'autre oracle est, d'un bout à l'autre, plus digne d'A-

i. Hérodote, I, 47 ; 55 ; 66; 85 ; 174; etc. 2. Hérodote, I, 47.

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