Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t2.djvu/455

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ROLE DES MYSTÈRES 443

fait insufCsante : en matière de morale, et pour ce qui regarde la vie future. — La vieille morale religieuse était à la fois capricieuse et dure : les dieux punissaient plutôt leurs ennemis personnels que les violateurs de léternelle et abstraite justice; ou, s'ils protégeaient la justice, c'était souvent d'après des règles que l'humanité devenue plus raisonnable avait peine à comprendre; la Némésis pesait lourdement sur le monde; les fils payaient pour les pères, et payaient avec usure. On pouvait sans doute fléchir les dieux, mais l'effet de ces tentatives était toujours incertain ' ; ni la conversion ni le repentir ne sufGsaient à coup sûr. N'y avait-il donc pas des procédés, des formules infaillibles ? D'ailleurs, nulle discipline pratique, nulle règle de vie ne venait en aide aux bons instincts pour les soutenir et les diriger dans la voie de la sainteté ; chacun s'arrangeait comme il pouvait, à ses risques et périls. — Sur la question de la vie future, c'était pis encore. On sait ce qu'était dans VOdyssée la condition des morts ^. Même chez Hésiode, les Iles fortu- nées ne semblent s'ouvrir qu'aux héros épiques '. Mais pour la foule des pauvres âmes que la mort précipite chaque jour dans l'Erèbe, quelle destinée les attend? La religion publique ne répondait rien, ou peu de chose. Le culte traditionnel des morts impliquait une sorte de vie obscure et misérable dans le tombeau : rien n'y par- lait clairement d'une apothéose, désirée cependant par l'humanité.

Le rôle des mystères fut de répondre en partie à ces besoins nouveaux de l'âme grecque. On peut se deman- der pourquoi la religion publique elle-même ne prit pas cette tâche à son compte au lieu d'en laisser l'honneur à

1. Cf. Bouchô-Leclercq, t. III, p. 152.

2. V. surtout le xi« chant de VOdyssée»

3. Il en est de même do la plaine Elysée, 'HXyatov iceôfov, dans le iv« chant de VOdyssée.

�� �